ALTERNATIVE LIBERTAIRE  N° 11 - Février 2002  

 

 

 

AFGHANISTAN : CE N'EST QU'UN DÉBUT !

 

La guerre que nous connaissons actuellement n'a rien à voir avec une simple opération de police.

Elle n'est qu'un premier maillon du redéploiement US pour la domination de la planète. À ce titre, il y a fort à parier, hélas, qu'elle durera longtemps. Avec des théâtres d'opérations qui changeront de lieux ou s'enliseront en Afghanistan, mais qui marqueront les étapes du nouvel élan de la mondialisation économique auquel nous assistons.

 


 

POUR LES BEAUX YEUX DES AFGHANES

Lançant une nouvelle campagne de justification de la guerre, un porte-parole de la Maison-Blanche déclarait le 17 novembre que les « femmes afghanes avaient la liberté, les talibans la leur ont enlevée ».

Comme pour enfoncer le clou, Laura Bush ajoutait, quelques minutes plus tard, que « le combat contre le terrorisme est aussi un combat pour le droit et la dignité des femmes » et que « seuls les talibans ont interdit l'éducation des femmes...».

Cela faisait un moment déjà, surtout en France, que la dénonciation du régime taliban était essentiellement axée sur la situation  des femmes. Pourtant, si l'on remonte un peu en arrière, il est facile de se rappeler que l'Alliance du Nord, lorsqu'elle régnait à Kaboul, fermait les écoles, lapidait les femmes jugées incorrectes, cautionnait massacres et viols collectifs.

C'est bien le brave commandant Massoud, porté au pinacle par les Occidentaux à titre posthume après avoir été combattu de son vivant, qui, en 1994, a imposé la Charia islamiste.

À l'époque, les talibans, le plus souvent nommés « étudiants en religion » (« étudiant », ça a un petit côté sympathique, par qui rien de mal ne peut vraiment arriver), étaient fréquemment présentés par la presse comme porteurs d'espérances, face à la dictature islamiste de Madani et Massoud. Espoirs qui concernaient évidemment plus les marchands de pétrole que les femmes ! En fait, le seul régime qui a tenté d'améliorer la condition féminine (suivant les critères occidentaux) fut celui stalinien (scolarisation des filles, port du voile non obligatoire, etc.) ... éliminé conjointement par la CIA et les islamistes, ces derniers reprochant, entre autres, aux communistes un libéralisme sexuel et culturel ! Un comble.

 

MOURIR POUR DES INDUSTRIELS

Il faut plus que se méfier des visions policières qui expliquent l'Histoire par le machiavélisme de quelques-uns, la duplicité de quelques autres et la crédulité de tous. Une vision que certains adoptent en faisant leur la thèse selon laquelle les États-Unis auraient commandité l'attentat du 11 septembre pour mieux reprendre une situation qui risquait de leur échapper.

Ce genre d'explication ne sert en général à rien, car elle est le plus souvent indémontrable, et fait une part trop belle aux hautes intelligences qui font l'Histoire et qui, finalement n'offrent comme possibilité aux grandes masses, à la base, que d'être manipulées.

Cela dit, il est probablement vrai qu'il y eut, au sein de l'administration américaine, des faucons qui ne voyaient de solutions que dans la politique du pire. Et il est tout aussi vrai que, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les États-Unis tentent de tirer le maximum d'avantages de cette situation. Pour eux, la guerre présente deux catégories d'intérêts. L'une, extérieure, concerne directement la perpétuation de la domination US sur la planète.

L'autre, plus intérieure, permettra de ressouder un consensus national et occidental légèrement fissuré ces derniers temps, et de mettre sur pied des mesures totalitaires et répressives qui seraient difficilement passées avant le 11 septembre, et dont le but ultime sera la criminalisation de toute tentative sérieuse de remise en cause de l'ordre capitaliste mondial.

Objectifs extérieurs : contrôler les flux de gaz et de pétrole d'Asie centrale, et installer des bases militaires dans cette région jadis sous la coupe soviétique.

On aura remarqué que les chemins permettant d'exporter les énormes réserves d'Asie centrale passent, vers l'ouest, par la Tchétchénie, la Géorgie, le Kurdistan, mais aussi par la Yougoslavie et la Macédoine, qui sont autant de lieux de guerre et d'ingérence américaine au cours de ces dernières années.

Quant aux routes de l'Est, celles qui approvisionneront la Chine et le Japon, elles passent par le Xingjiang, où les USA soutiennent les milices islamistes ouïgours contre la Chine. Vers le sud, l'Afghanistan est incontournable. En 1995, un accord est passé entre une compagnie pétrolière californienne, Unocal, et le Turkménistan, portant sur un gros contrat d'exportation de gaz et sur la construction d'un gazoduc à travers l'Afghanistan. Dès lors, le soutien à des forces jugées susceptibles d'instaurer un pouvoir stable dans un pays par trop agité depuis la chute des communistes devient une priorité.

 

LE FRIC ET LES ARMES AFFLUENT

Le choix des talibans en lutte contre l'Alliance du Nord est fait. Le fric et les armes affluent tant et si bien que, le 27 septembre 1996, ces talibans entrent à Kaboul. Tout baigne. Pour  un temps seulement, car ces alliés s'avèrent encombrants : ils abritent des forces par trop engagées contre les USA et leurs alliés sunnites, ils n'apportent au pays aucune façade libérale, et ne font que poursuivre (pour le moins) une politique répressive et obscurantiste, en particulier vis-à-vis des femmes. Des attentats anti-américains fleurissent au Moyen-Orient, des groupes féministes américains dénoncent Unocal pour son soutien apporté aux talibans. Il faut donc calmer le jeu et imposer à Kaboul un comportement plus conforme aux bonnes mœurs, afin que les affaires reprennent sans obstacles.

Laili Helms, une Américaine d'origine afghane, a récemment déclaré que par deux fois, en 1999 et en 2001, les talibans avaient proposé aux États-Unis de neutraliser Ben Laden, dans la mesure où celui-ci représentait un obstacle à la reconnaissance de leur régime par la «communauté internationale ».

Qui est Laili Helms ? Une véritable lobbyiste de l'opposition anticommuniste afghane auprès du gouvernement américain - des moudjahidins d'abord dès 1986, des talibans ensuite, et depuis 1995, date à laquelle elle devient une de leurs représentantes officieuses au moment où ils s'apprêtent à prendre le pouvoir à Kaboul avec le soutien de l'Arabie Saoudite et du département d'État américain (1). C'est elle qui, au début de l'année 2001, est la véritable cheville ouvrière des rencontres entre des envoyés des talibans et de hauts responsables américains devant déboucher sur un accord passé avec le représentant officiel des talibans, Muttawakil. Selon cet accord, on aurait dû s'acheminer vers une reconnaissance progressive du régime de Kaboul, moyennant quoi ce dernier aurait cessé d'héberger Ben Laden et adopté un profil plus bas vis-à-vis des États-Unis en restant, grosso modo, sur la ligne des Émirats, de l'Arabie Saoudite et du Pakistan, pays à la fois sunnistes fondamentalistes et grands alliés des Américains. Accessoirement, Laila Helms est la nièce de l'ancien directeur de la CIA, le célèbre Richard Helms qui fut également ambassadeur en Iran(2).

Alors ? Que s'est-il passé ? Les USA ont-il refusé la proposition afghane, comme le suggère L. Helms ? Sont-ce les talibans qui ont refusé de se  soumettre et qui ont mis en marche le processus aboutissant au 11 septembre ?

Les USA avaient-ils besoin d'un prétexte pour déclencher cette guerre jugée indispensable ? Peu importe, le résultat est là : la plus grande puissance du monde a décidé de « tuer le plus de talibans possible », comme vient de le déclarer le secrétaire d'État à la Défense Ronald Rumsfeld(3).

 

LA RÉPUBLIQUE PÉTROLIÈRE

S'il est une tradition bien établie au sein de l'administration US, c'est l'influence pesante et constante qu'y exerce l'industrie pétrolière.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, seuls deux ministres des Affaires étrangères n'en furent pas issus... dont l'actuel, Colin Powell. Une exception purement formelle, puisque dans l'administration W. Bush, jamais les pétroliers ne furent aussi présents et puissants. À commencer par le Président lui-même, issu de l'une des grandes familles pétrolières du Texas, et qui fit son beurre dans le développement de sociétés de services à ce secteur.

Le véritable chef de l'administration US, Dick Cheney, ensuite, qui fut, avant de devenir vice-président, à la tête de l'une des 400 plus importantes multinationales au monde, Halliburton, spécialisée, elle aussi, dans le service aux compagnies pétrolières ; un Dick Cheney qui n'hésitait alors pas à soutenir les dictatures nigériane et birmane pour le plus grand bien des profits de sa société. Condoleeza Rice, encore : directrice du Conseil national de sécurité qui chapeaute toutes les agences de renseignement US, cette enseignante à Stanford, considérée comme «soviétologue», fut déjà conseillère à la sécurité sous Bush père et chargée alors des questions relatives à l'ex-Union soviétique. Mais surtout, elle fut, de 1991 à 2000, directrice du groupe Chevron, une des premières compagnies pétrolières du monde, en étant plus particulièrement chargée des implantations au Kazakhstan et en Afghanistan. Les secrétaires d'État au Commerce et à l'Énergie eux aussi, Donald Evans et Spencer Abraham, firent toute leur carrière dans le secteur pétrolier. Et puis Kathleen Cooper, sous-secrétaire au Commerce, fut la chef économiste de la société Exxon (qui vend en France sous le nom d'Esso) (4)-. Difficile de faire mieux !

Tout ce joli monde a décidé de reprendre les choses en main de manière plus vigoureuse que ne le faisait l'administration Clinton. Depuis plusieurs années, la Chine et la Russie négocient la construction de pipes destinés à acheminer les réserves pétrolières et gazeuses de la zone Caspienne. Les USA, eux, sont à la traîne : le pipe américain devant déboucher en Turquie est encore à l'état de projet. Aux pipes chinois ou russes, Washington préfère des pipes contrôlés par la Macédoine ou la Turquie, ses féaux.

Officiellement, lors de chaque conflit, il s'agit d'assurer « la sécurité des approvisionnements énergétiques ». Une explication qui laisserait entendre que l'avenir économique des États-Unis dépendrait de la possibilité d'acheminer ces ressources dans les meilleures conditions. Or, les réserves du sous-sol américain sont beaucoup plus importantes que celles de l'Asie centrale. C'est donc qu'il y a un autre enjeu, beaucoup moins explicité : contrôler l'approvisionnement énergétique des autres puissances, potentiellement ou réellement rivales, en l'occurrence la Russie, et peut-être surtout la Chine. Une Chine qui a besoin de plus en plus de pétrole pour assumer son formidable développement économique, et qui en manque cruellement. Contrôler les voies d'approvisionnement, c'est se réserver des possibilités de chantage en maintenant avec ces puissances des liens plus ou moins néocoloniaux.

 

QUELLES OPPOSITIONS POSSIBLES ?

Seules deux forces semblent en mesure de s'opposer à cette guerre et à celles qui vont suivre : les révoltes dans les pays dits du tiers monde et les mouvements autoproclamés « anti-mondialisation ». Pour les premières, nous assistons à un lent réveil de leur caractère progressiste, en particulier en Amérique latine, mais tout peut très vite s'accélérer tant la révolte contre l'ordre mondial couve dans les pays pauvres. Quant aux mouvements antimondialisation qui indiquent, dans les pays développés, une faille dans le consensus tant loué par les idéologues modernistes, il leur faudra, pour jouer un rôle quelconque, se débarrasser de l'hégémonie des forces qui, en leur sein, ont comme objectif de convaincre les décideurs, au lieu de s'orienter vers l'affirmation d'un mouvement autonome. La question centrale sera alors : faut-il participer au système et le changer de l'intérieur ou bien s'y opposer frontalement ? C'est de la réponse à cette question que dépendra la capacité de l'une comme de l'autre à résister à
l'énorme machine de criminalisation qui va se mettre en marche contre les mouvements de révolte, armés ou non, qui naîtront dans les pays pauvres, et contre la radicalisation qui émerge dans les pays développés.

«JPD

 

Article tiré de "Courant alternatif", de décembre 2001.

 

Notes

(1). Voir Brisard et Dasqué, Ben Laden, La Vérité interdite, Denoël, 2001.

(2). À propos de l'omniprésence de la CIA, rappelons que George Bush père fut, lui aussi, directeur de la CIA avant de devenir vice-président de Reagan, puis président des États-Unis.

(3). On reste pantois devant une telle déclaration, qui ne manquera pas d'être reproduite sur tous les médias du monde, en particulier dans les pays musulmans. Et qui ne peut que déchaîner encore plus de haine contre l'oncle Sam et susciter encore de nouvelles vocations kamikazes. Maladresse d'un crétin ? On peut quand même en douter. Après tout, ces vocations peuvent être utiles.

(4). la vérité interdite, op. cit.

POURQUOI  DONC GEORGE BUSH A-T-IL BLOQUÉ, EN ÉTÉ 2001, UNE ENQUÊTE DU FBI EN DIRECTION DES RÉSEAUX DE BEN LADEN ET DE SES PARTISANS ?

 

Pour ne pas gêner ses amis saoudiens qui finançaient Ben Laden depuis longtemps, contre les soviétiques, puis contre divers pays trop indépendants ?

Oui. Mais aussi pour d'autres raisons qu'éclaire un livre récent sur Ben Laden : 

 

"LA VÉRITÉ INTERDITE"

 

Manifestement les auteurs ont été tuyautés par les services secrets français.

La rivalité entre Washington et Paris est bien réelle, au-delà des sourires devant les caméras.

 

"Depuis 1998, pétroliers et diplomates américains étaient convaincus qu'une victoire totale des talibans - qu'ils avaient souhaitée pour  stabiliser l'Afghanistan - n'était plus envisageable."

 

Et pourquoi les démocratiques Etats-Unis souhaitaient-ils la victoire de ces ultra-fanatiques aux crimes bien connus? Parce que la firme pétrolière US Unocal misait sur eux pour construire un très profitable gazoduc. Du Turkménistan à l'Océan Indien et aux marchés prometteurs d'Asie du Sud.

 

En 1998 déjà, l'administration Clinton négocie avec les talibans, pour obtenir l'extradition de Ben Laden, dit-on, en échange de la reconnaissance de leur régime.

 

Dès son arrivée au pouvoir, l'administration Bush accélère et intensifie ces négociations.

 

Pourquoi ?

 

L'administration de Bush est directement importée des multinationales pétrolières.

 

Bush ? Une grande famille du pétrole texan.

Le vice-président Cheney ? Longtemps directeur d'Halliburton, une des plus grosses firmes de services pétroliers du monde.

Condoleeza Rice (Conseil National de sécurité)  ?   Neuf ans chez Chevron.

Donald Evans (secrétaire au Commerce)? Toute sa carrière dans le pétrole.

Sa sous-secrétaire Kathleen Cooper ? Chef économiste d'Exxon.

 

Quatre jours après la prestation de serment, Cheney, le vrai patron, crée l'informelle Energy Policy Task Force "pour organiser une politique énergétique conquérante". Cette structure est si secrète que l'Office chargé de l'information du Congrès devra même la menacer de poursuites judiciaires pour en obtenir la liste des participants.

 

Tout de suite, l'administration Bush cherche à s'arranger avec les talibans. Au placard les dénonciations des organisations de défense des droits de l'homme ! En mars 2001, et du 17 au 20 juillet, des réunions discrètes ont lieu à Berlin. Le marché reste : livrer Ben Laden, élargir un peu le gouvernement taliban et profiter d'une manne financière. N'oublions pas qu'en 2001 encore, les Etats-Unis ont été le principal bailleur de fonds des talibans, sous couvert d'aide humanitaire.

 

Et s'ils ne se soumettent pas ? D'après Le Monde du 13 novembre, un américain aurait dit en juillet aux pakistanais que si les talibans acceptaient de livrer Ben Laden et de signer la paix avec le front uni, ils auraient un "tapis d'or", mais que s'ils refusaient, ils s'exposaient à "un tapis de bombes".

 

L'affaire avait  commencé

bien avant le 11 septembre…

 

On se doutait bien que l'affaire n'avait pas commencé le 11 septembre.

A France 3, (Pièces à Convictions, 18 octobre 01), l'ex-ministre pakistanais des Affaires étrangères, présent aux discussions de Berlin, révélait : "L'ambassadeur américain Simons a indiqué qu'au cas où les talibans ne se conduiraient pas comme il faut, (...) les américains pourraient lancer une opération militaire."

La boucle est bouclée. Beaucoup de choses nous sont encore dissimulées, mais le vrai scénario a probablement été celui-ci :

1) Voulant absolument son gazoduc, Bush menace les talibans.

2). Ben Laden prend les devants en tuant Massoud, chef de l'Alliance du Nord rivale des talibans, puis avec les attentats aux USA. Une attaque surprise, même s'il reste des zones d'ombre sur le rôle des services secrets américains.

3). Bien que mise en difficulté tactiquement, l'administration Bush en profite pour mettre en place le plus vite possible son vieux projet : installer des bases militaires en Asie centrale, entre Russie et Chine, à côté des républiques pétrolières et gazières convoitées.

 

En conclusion

 

À toutes les étapes, la cause profonde des souffrances du peuple afghan se trouve à Washington.

Il s'agit là d'ingérence colonialiste, d'une volonté de mettre au pouvoir des agents dociles pour les intérêts des multinationales, puis de les retirer s'ils ne conviennent plus. Et le jeu continue, puisque Washington essaie d'imposer des talibans dits "modérés" dans le nouveau gouvernement afghan qu'elle entend toujours contrôler.

Le monde est malade de l'ingérence néocolonialiste.

 

(D'après Respublica n°122)

 

La Vérité interdite, de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, éditions Denoël, 20 euros.

 

 

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