Editorial


Deux dossiers d'actualité couvrent l'essentiel du journal de ce mois. D'abord, le 1er mai est toujours pour nous une bonne occasion de désacraliser le travail et d'en repenser la finalité, tout en dénonçant les conditions de plus en plus mauvaises dans lesquelles on est obligé de l'exercer. C'est aussi et surtout l'occasion de rappeler pour quelle société nous luttons: une société débarrassée des exploiteurs et des fauteurs de misère, une société où serait mise en commun la production nécessaire à la vie, et qui laisserait la plus grande place possible au développement libre et créatif de tout ce qui fait pour chacun le goût de la vie elle-même.

Mais en attendant, c'est l'impérialisme économique et politique qui règne partout, créant la guerre, la domination, le massacre. Nous publions donc plusieurs articles sur la situation en Palestine, la plupart écrits par des anarchistes, ce qui n'empêche pas des réactions et des points de vue parfois différents. Une position cependant est unanime: à court terme nous devons tout mettre en œuvre pour faire cesser immédiatement les souffrances de la population palestinienne (et si je n'ajoute pas "et de la population israélienne", c'est parce que l'arrêt de la colonisation sanglante fera de lui-même cesser ces actes désespérés mais injustes que sont les attentats-suicides). Pour ce faire, un retrait de l'armée israélienne des villes et des camps récemment saccagés ne suffit pas, il faut exiger l'application des résolutions de l'ONU, auxquelles il n'y a aucune raison que, seul parmi tous, cet état continue à déroger tranquillement.

A plus long terme, le fait que les Palestiniens revendiquent une structure étatique à forte identification ethnique et religieuse n'a rien pour nous enchanter, mais dans l'organisation mondiale actuelle c'est la seule manière de les protéger pour qu'ils puissent se (re)construire économiquement, socialement, culturellement. Nous aurons toujours à dénoncer le communautarisme, celui-là même qui cause partout dans le monde des agressions contre les juifs, comme s'ils étaient tous solidaires de la politique de Sharon alors que même les Israéliens ne la soutiennent pas unanimement. Le phénomène est bien connu: quand la colère se découvre impuissante contre son adversaire réel, elle s'invente un bouc-émissaire facile à attaquer. Mais comment échapper à l'impuissance? C'est ce que nous devons chercher inlassablement en exerçant toutes les pressions possibles, en répandant des positions pacifistes et véritablement autonomistes, en montrant par tous les moyens que d'autres relations sont possibles, entre les peuples comme entre les individus.

Un dernier mot: AL est un journal d'opinions, qui dépend de sources d'information extérieures. Tous ses lecteurs n'approuveront sans doute pas tout ce qui y est écrit, et c'est pourquoi nous les invitons à réagir, à apporter des informations, à imaginer des actions possibles.

«   Annick


Tous les dessins de Kroll sont issus de son livre C'est pour offir ? (éditions Luc Pire, 1995)