ils  ont

voté ?

et  puis après ?

 

« Pour les élections présidentielles, je ne voterai pas. Je renverrai ma carte d'électeur barrée en rouge avec l'inscription Moulinex. De toute façon rien ne peut aller comme ça. Après nous, d'autres suivront. Un jour, ça pétera. Et alors mai 68 ressemblera à une promenade »

Une ouvrière de Moulinex

 

Contrairement à ce que l'on pense, le droit de vote n'est pas un acquis des luttes sociales. Personne n'est mort pour l'obtenir. Le suffrage universel a été octroyé par ce mauvais exemple de démocrate qu'est Napoléon III (sauf pour la gente féminine qui l'obtiendra grâce à De Gaulle lors la 5ème république,). Dès l'origine, « le petit peuple » ne s'est guère soucié des urnes pour changer sa condition : il y a des traditions qui ne changent décidément pas!

Alors, si les pleureuses de la gauche éternelle viennent de se réveiller, ce n'est pas parce que nos conditions de vie se détériorent, mais parce que la carrière de leur chef vient de connaître un coup d'arrêt aussi brutal qu'imprévu.

Comme si l'élection de Le Pen le populiste pouvait changer quelque chose.

Comme si la politique des gouvernements où se trouvent des gens d'extrême droite en Europe (Italie, Autriche) avait marqué un changement de politique sociale par rapport à celle de la droite traditionnelle ou à celle de la gauche !

Comme si, dans le cadre européen, ces élections avaient une quelconque importance .

Depuis le règne de Mitterrand, les politiciens ont pris soin de se décharger de tout pouvoir. Chirac en est l'exemple type, puisque depuis quarante ans qu'on se le traîne, quiconque est bien incapable de citer la moindre de ses décisions. Le centre de tous les pouvoirs n'est plus Paris mais Bruxelles. Toutes les décisions importantes (les retraites, la durée du travail, la sécurité sociale, les privatisations des énergies, de la santé, de l'école etc.) y sont prises, en commissions par des tecnocrates froids et impersonnels, loin de tout contrôle démocratique.

Comme si Le Pen pouvait être élu !

Possibilité nulle, si l'on regarde les chiffres (le FN a fait le plein de voix). Doublement nulle si l'on sait à quel bourrage de crane l'on va être soumis pendant ces quinze jours par tous les média pour obtenir le Bon Vote ( Il s'agit d'éviter les erreurs de vote réalisées par le Danemark lors de la signature du traité de Maastricht -erreur corrigée l'année suivante par de nouvelles élections ) ou par l'Algérie où les élections ont purement été annulées « pour sauver la démocratie » - avec les conséquences que l'on connaît).

Alors, pourquoi l'effroi de ces bonnes ames citoyennes et republicaines ?

Parce que Le Pen a un électorat majoritairement « populaire ». C'est l'odeur de frites, d'ail et de sueur qui remonte et irrite les narines du microcosme politique et journalistique : «mon dieu, le peuple revient !» Ces gens n'ont rien compris !

Comme le dit Marx, « quand j'entends le mot peuple, je tremble pour le prolétariat ». Mais sur ce coup, c'est le prolétariat qui a marqué un point. Le peuple a voté Le Pen, le prolétariat s'est abstenu.

Car c'est l'abstention qui a fait le meilleur score (28%, plus les 10 à 20% de gens non inscrits sur les listes (on ne sait), plus tous ceux dont les droits civiques ont été suspendus). C'est la légitimité même de ces élections qui est remise en cause, puisque ces politiciens n'ont été élus qu 'avec une infime minorité de voix des gens de ce pays. Or, ces abstentionnistes sont majoritairement les gueux, les exclus de ce système (chômeurs, précaires), ceux qui n'ont plus rien à perdre et rien à gagner (surtout pas des stocks options).

Mais l'abstentionnisme record n'est pas le seul élément positif de ces élections, puisque l'on a appris par la même occasion la mort du Parti Communiste et la disparition prochaine de ces assoiffés de pouvoir que sont Les Verts. Certes, on ne peut encore, avec Proudhon, « porter un toast à la révolution », mais se sont des éléments réconfortants pour ceux qui souhaitent un changement radical de société. Parce que depuis 20 ans la gauche a causé une suite de désastrs sociaux, que la droite aurait été bien incapable de porter à terme. Ces désastre n'ont été possibles que par les illusions dont la gauche était porteuse (lagauche défend les pauvres !!!). Nos élites, sortent des mêmes moules que sont les grandes écoles de la république et ne sont portés que par leurs ambitions immenses. Le terme droite et gauche ne veut plus rien dire parce qu'ils ont choisi le systèmepolitique bipolaire anglo saxon. Ils ne sont plus à la tête de l'Etat pour défendre le bien commun (l'ont-ils jamais été ?), mais pour assurer le maximum de profit aux privilégiés et aux multinationales. Le seul pouvoir réel qu'ils gardent est le pouvoir de répression (armée, police, gendarmerie), afin de maintenir la paix sociale. C'est donc une opportunité fantastique qui s'offre à nous de régler radicalement le problème social en suspens en reléguant aux poubelles de l'histoire tous les Jean Foutre de politicards véreux qui vivent depuis si longtemps à nos crochets !

Avec ce printemps radieux, le temps de la grande lessive est venu !

Encore un effort camarades.

Entre la peste et le choléra,

l'abstention est un devoir civique.

 

«Le Père Duchesne

Lille le 22 Avril 2002 Contact :

michel.cornille@vnumail.com

 


 

LE TERRAIN D'AFFRONTEMENT DU FASCISME N'EST PAS L'ISOLOIR MAIS LE POLITIQUE

 


 

En France, dés le soir même du premier tour des élections présidentielles il a été de bon ton d'accuser les abstentionnistes et les électeurs-trices qui n'avaient pas "voté utile" d'être les responsables du score de Le Pen et, a contrario, de l'éviction de Jospin. Autrement dit, d'avoir "perturbé" le jeu dont on disait qu'il était fait d'avance et qui devait consister, au second tour, en un duel (fratricide ?) entre Chirac et Jospin.

 

En même temps, les pratiquant(e)s de la mascarade électorale sont descendu(e)s dans la rue pour protester contre ces résultats au motif que la démocratie – leur démocratie – serait menacée.

 

Qu'en est-il exactement ?

 

Le système électoral français ne rend pas le vote obligatoire : les accusations proférées contre les abstentionnistes n'ont donc aucun fondement juridique puisque, selon le droit positif de la démocratie bourgeoise, il ne peut y avoir d'infraction, de délit ou de crime qui ne soient expressément institués par la Loi. Il n'empêche que l'on assiste à une véritable criminalisation des abstentionnistes comme si, depuis le 11 septembre 2001 et dans la foulée de la busherie, il y avait une présomption de culpabilité qui "frapperait" tout ce qui, de près ou de loin, peut "menacer" un système qui, devenu autiste ou paranoïaque, considère comme "menaçant" tout ce qui n'est pas l'écho docile de la voix de son maître !

 

Qui sont les abstentionnistes ? Ce sont d'abord celles et ceux qui rejettent le système en place et qui considèrent que le politique ne se réduit pas au seul isoloir où, en catimini, presqu'avec honte, on irait accomplir… son devoir comme on se soulage en allant aux chiottes ! C'est sans aucun doute là une minorité mais une minorité… politisée en ce sens que son abstentionnisme est l'expression d'un choix politique et qu'elle mène une action politique par d'autres voies que celle de la porte étroite de l'isoloir.

 

Bien entendu, il existe d'autres abstentionnistes : celles et ceux qui s'abstiennent parce que les choix offerts ne leur conviennent pas et que le bulletin blanc – expression du refus ou de l'impossibilité de choisir – ou bien parce que, tout simplement, les élections et, plus généralement, la politique mais aussi le politique ne les "intéressent" pas, ne les concernent pas.

 

Les premier(e)s abstentionnistes sont des opposant(e)s. Leur reprocher leur opposition, culpabiliser et "criminaliser" leur opposition, dont la manifestation la plus immédiate est… l'abstention, c'est participer d'un totalitarisme qui n'admet pas d'opposition et, par là même, c'est contredire, voire nier la démocratie qui, fût-elle bourgeoise, suppose une "diversité" d'opinions, de convictions et d'actions politiques ! C'est un peu comme si l'on reprochait à des gens de ne pas aimer et de ne pas pratiquer le football alors qu'ils aiment et pratiquent la natation!

 

Les second(e)s abstentionnistes ne sont pas plus "criminel(le)s" que les premier(e)s même si, pour une large part, ils-elles ne sont pas "politisé(e)s. Ils-elles ne sont jamais que les déçu(e)s  du système à moins qu'ils-elles ne soient que des "prospects" que le système n'a jamais su convaincre, "capter" pour en faire de "fidèles clients". Leur reprocher leur abstention c'est comme reprocher à un consommateur de changer de marque parce qu'il a été déçu de son choix précédent ou qu'il a trouvé mieux ailleurs ou bien encore de ne pas acheter tel ou tel produit quand il n'en voit pas l'intérêt, qu'il n'en a pas l'usage, qu'il n'a pas l'argent nécessaire…

Le vote "utile" consiste, comme on le sait, à "voter pour moi", le "moi" étant bien entendu un candidat : il y a donc autant de votes "utiles" que de candidat(e)s même s'il y a des votes "plus utiles" que d'autres, ceux qui se portent sur les "grand(e)s candidat(e)s aux dépens des petit(e)s. Ainsi, pour la démocratie bourgeoise, ce qui est utile n'est pas le… vote mais le "bon vote", fidèle reflet du "bien penser". La liberté de vote, comme libre expression d'une libre pensée, est donc muselée au profit d'un utilitarisme qui n'est rien d'autre que la plate soumission aux consignes de vote données par des "mandarins" et donc l'antinomie de la démocratie (bourgeoise).

 

Les organisateurs-trices de ce mauvais jeu – les élections présidentielles – sont mécontent(e)s mais, au lieu de se (re)mettre en cause et de se poser la question de savoir si le jeu vaut la chandelle ou s'il ne convient pas, au contraire, de le ranger dans le placard des vieilleries, ils accusent celles-ceux qui y ont (mal) joué ou qui n'y ont pas joué, refusant d'admettre que de l'urne n'est jamais sorti que celui qu'ils ont bien voulu y mettre à l'image d'une chiotte qui ne se vide que de ce avec quoi on l'a remplie !

 

A présent, pour "corriger" le "mauvais tour" que l'électorat a joué lors de la première manche, il est appelé à "voter utile" non pour mais contre un candidat en accomplissant ainsi un "acte héroïque" : "bouter le fascisme hors de la douce France" ! Or, s'il est bien vrai que, souvent, le fascisme fait son entrée par la porte étroite de l'isoloir, il est non moins vrai que le fascisme n'est jamais chassé par le vote mais par la force et la violence (révolutionnaires ou, du moins, libératrices). Le terrain d'affrontement du fascisme n'est pas l'urne mais le politique : la rue, l'usine, l'école, le centre social…, la famille (dans son sens large et non dans son acception paternaliste), les relations… et, d'abord, l'individu lui-même. "Battre" Le Pen au deuxième tour des élections n'est pas combattre le fascisme et encore moins l'éradiquer ; c'est au plus agiter fortement les grelots du bonnet de fou (du roi ?) que les électeurs-trices sont invité(e)s à porter pour couvrir le bruit du couperet qui, une fois de plus, s'abattra sur leurs têtes lorsqu'ils déposeront leur morceau de papier dans la "boîte à malice".

 

« JC Cabanel


 

 

COMBATTRE L’EXTREME DROITE, OUI MAIS COMMENT ?

Voter Chirac ou zigouiller Pim Fortyun ?   Chichi ou Pim Pam Poum ?

 


 

La lutte contre Le Pen c’est le chiffon rouge que les capitalistes agitent devant le taureau prolétarien pour le détourner de son objectif, encorner le capitalisme.

A contrario nous pouvons dire que c’est en luttant contre le capitalisme que nous couperons l’herbe sous le pied de Le Pen.

Il est très significatif que les socialistes (PS) utilisent le même chiffon.

Comme disait Léo Campion «  Jadis socialiste-révolutionnaire était un pléonasme, aujourd’hui c’est un paradoxe »… et cette réflexion date déjà !

Cela fait des lunes que les socialistes (PS) ont abandonnés tout projet révolutionnaire pour celui plus confortable de gestionnaire du capital, de parlementaire, de fonctionnaire… Plus aucun socialiste (PS) n’a intérêt personnellement au renversement du régime.

Pas étonnant dès lors que leurs chefs français appellent à voter Chirac «sans états d’âmes». C’est la garantie que tout continuera comme avant. Avec un adversaire idéal. Avec la perspective de l’alternance, de la cohabitation au Pouvoir…de son partage.

Alors qu’il faut en finir avec le Pouvoir ! Faut-il dès lors abattre Le Pen comme Fortyun ?

Tout cela n’aura plus de sens si le mouvement anarchiste arrive à court-circuiter le « barnum » politique pour imposer l’autogestion généralisée de l’économie…sensée satisfaire les besoins des individus.

Si ce petit mot pouvait servir à pousser la réflexion sur cette question ce serait déjà pas mal.

 

« Jean-Marie Neyts

du Centre Libertaire de Bruxelles.


 

 

MERDE C'EST RAFFARIN LE PREMIER SINISTRE !

 


 

Que dire ?

Je suis poitevin. On le connait bien le raffarin, l'est pas franc du collier, le gars.

Nous on en veux plus, alors on l'a parachuté à Paris. C'est un opportuniste. Fin stratège du type "Neron" tendance libérale. Si on peut lui servir ils nous pressera plus fort que Jospin.  

Chez lui c'est du genre petites magouilles entre amis. Il est president du Consiel Régional, adjoint au maire de Chasseneuil (commune hyper riche grace a un truc qui s'appelle le FUTUROSCOPE), sa soeur est presidente de la chambre de commerce, son ami c'est René Monory (papa du futuroscope, dit le sherif du Loudunais), son frere a coulé la cave cooperative du Poitou, etc...

Voila ce que l'on peut dire. Il s'énerve vite et dit des conneries comme le soir du premier tour 2002 ou il a conseillé aux gens de ne pas descendre dans la rue pour manifester.

Voilà. Rien à attendre de lui, ni de Douste Blazy  non plus.

Allez René remet un demi et on refait le monde.

Vivement le grand soir qu'on se recouche.

 

 [CNT-infos-nord] Tr : à propos de Raffarin To: "Liste symp. et adh. cnt nord" <CNT-infos-nord@yahoogroupes.fr>Extrait de la liste des aides-éducateurs


 

                                  

QUELQUES REMARQUES SUR

LES ELECTIONS EN FRANCE

 


 

REMARQUES FAITES ENTRE LES DEUX TOURS

 

Les remarques qui suivent sont une réponse à un appel du « groupe Bakounine », appelant à combattre le fascisme « par tous les moyens », en particulier en votant Chirac, tout en acceptant, comme prémisse, qu’il sera élu de toutes façons ; le but étant de maximiser son score et, ainsi, la défaite de Le Pen.

 

Franchement, je ne comprends pas le raisonnement ci-dessous. Que des gens qui refusent de voter, par principe (ce qui n’est pas ma position), votent exceptionnellement pour "faire barrage au fascisme" montre la force de notre système de propagande. En plus, rien ne se combat "par tous les moyens". Les conséquences de toute action sont multiples et il faut toujours y réfléchir. Grâce à cette rhétorique "antifasciste" irréfléchie, pas mal de gens et même d'anars ont soutenu l'extension indéfinie de l'empire américain "contre le fascisme" en Bosnie, puis au Kosovo, en Afghanistan et le feront sans doute demain en Irak.

 

Dans ce cas concret, le but est que Le Pen aie le moins de VOIX possible; mais cela se fait en convaincant ses partisans, en organisant des mouvements et solidarités qui fournissent une alternative viable au fascisme, pas en votant, ce qui n'affecte que le pourcentage, pas le nombre de voix. Ni d'ailleurs en faisant des manifs (surtout si elles sont violentes) ou des "actions". Il faut argumenter, diffuser de l'information,  créer un mouvement culturel populaire alternatif et cela c'est autrement plus difficile que crier dans la rue, envoyer des tartes ou saccager les locaux du FN. Je trouve d’ailleurs très curieux qu'on veuille toujours combattre le fascisme avec des méthodes fascistoïdes (ou des bombardement massifs). Mais comme "tous les moyens" sont permis...

 

 Il y a une grande différence entre Le Pen avec 40% s'il y a 15% d'abstentions et Le Pen a 40% avec 40% d'abstentions. Même pour les législatives, cela change tout. Je n'ai rien contre le fait de voter LA au 2ème tour pour faire barrage au FN là où ses candidats risquent réellement d'être élus. Mais voter pour Chirac alors qu'il est certain de gagner, pour augmenter encore son pourcentage (ce qui est l'option défendue ici) est tout différent. Bien sûr, Chirac saura et dira que ces voix ne sont pas les siennes. Mais il dira qu'elles expriment un vote en faveur de la "démocratie" et mèneront à un renforcement non pas de sa politique particulière, mais de celle suivie par l'Europe; or cette politique et celle des socialos mènent à la négation de la démocratie. La meilleure preuve en est que, si Le Pen était élu, il pourrait taper tant qu'il veut sur les immigrés et la gauche, mais ne pourrait jamais mettre en place les aspects apparemment progressistes de son programme, comme sortir de l'Europe. Sur ce genre de questions, ainsi que toutes les politiques socio-économiques, la souveraineté de la France (qui est la condition de possibilité de toute démocratie) a déjà disparu. Il est d'ailleurs remarquable de voir combien les socialistes ont tout fait depuis 20 ans pour rendre impossible une réédition de ce qui s'est passé au début du gouvernement Mitterrand, de 81 à 83, c’est-à-dire des réformes comme les 5 semaines de congés ou la nationalisation de certaines grandes entreprises. À l'époque, la France avait une légère marge d'autonomie et ils l'ont tuée. Dorénavant, tout doit être approuvé au niveau européen.

 

Evidemment un vote pour Chirac, par opposition à l'abstention, sera aussi utilisé pour légitimer une politique lepéniste vis a vis des immigrés, mais faite par la droite: puisque tout le monde a voté "pour la démocratie", allons-y, tapons sur les marginaux. J'entends déjà pleurer ceux qui auront voté au 2ème tour, comme ceux qui ont voté Mitterrand en 81, parce qu'ils auront été "trompés".

 

Je veux être clair: moi-même je voterais pour Chirac si je croyais que Le Pen avait une chance d'être élu (et si je pouvais voter). Le Pen est  pire que Chirac, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais je ne le pense pas qu’il a la moindre chance d’être élu et ce n'est pas l'hypothèse adoptée ici.

 

De plus, il faut se rendre compte que si Le Pen était élu, ce ne serait pas le fascisme au sens des années 30. L'histoire ne se répète jamais et c'est une grave erreur de sans cesse vouloir comprendre le présent à travers le prisme du passé. Il faut étudier le passé pour comprendre le présent dans sa spécificité ; malheureusement, le passé est souvent utilisé pour adopter de grandes postures morales (ne faisons plus comme à Munich, ne lâchons plus la République espagnole, ne répétons pas les erreurs de la gauche allemande en 33, etc.), où tout ce qu’on fait comme « analyse », c’est se placer soi-même dans le bon camp en disant ce qu’il aurait fallu faire dans des circonstances qui ne sont plus celles d’aujourd’hui et sur lesquelles émettre des jugements est d’autant plus facile que, là, nous connaissons la suite de l’histoire.

 

 Il faut comprendre que le fascisme des années 30 était fonctionnel à l'intérieur du système de l'époque (par exemple pour mobiliser les masses contre l'URSS et le "socialisme") et qu'un certain lepenisme l'est aujourd'hui, mais le fascisme des années 30 (c’est-à-dire la dictature d'un parti unique etc.) n'est pas fonctionnel aujourd'hui. Le "fascisme", si on veut absolument garder ce terme, aujourd'hui fonctionne grâce au contrôle des esprits par les médias, au pluralisme de façade et au fait que l'activité économique est entre les mains d'institutions qui échappent à tout contrôle démocratique. Et les victimes se trouvent surtout dans le tiers monde. Mais même la célébration de la démocratie (au sens le plus formel du terme) fait partie du fonctionnement du système (ce qui n'était pas le cas dans les années 30). Et bien sûr, cette célébration fait aussi partie du discours de Le Pen.

 

Pour moi, une abstention forte au 2eme tour peut avoir le sens suivant: non, votre machine à démoniser ne marche plus; nous ne sommes pas prêts à faire n'importe quoi, voter Chirac, ou soutenir les Américains etc. pour "faire barrage au fascisme". Notre rejet de Le Pen doit être basé sur l'idée que loin d'être le grand méchant loup qui est en dehors du système, il fait partie du système, mais en pire (et c'est pourquoi je voterais Chirac si je croyais que Le Pen risque d'être élu). Il en est la caricature, pas l'opposé. Mais il passe pour l'homme qui sait dire "non", à l'Europe, aux Américains etc. Si même les anars se mettent à voter Chirac, c’est-à-dire sont prêts à rentrer dans le rang quand on crie au loup, alors on lui laissera le monopole complet du non; or, beaucoup de gens en ont marre et, en l'absence d'alternatives à gauche, se reportent sur le seul type qui a l’audace de dire non, ou au moins de faire semblant.

 

C'est à nous de construire une alternative au système, y compris au "fascisme" réellement existant (c’est-à-dire en gros, au système économique global), mais il ne sert à rien de se lancer dans des initiatives émotives basées sur des comparaisons erronées avec les années 30.

 

REMARQUES FAITES APRES LE DEUXIEME TOUR : LA DEFAITE DE LE PEN EST-ELLE VRAIMENT NOTRE VICTOIRE ?

 

Les résultats confirment ce qui était déjà évident depuis le premier tour : Le Pen avait fait plus ou moins le plein de ses voix, Chirac pas. Donc, même sans le report des voix de la gauche et sûrement sans celui de l’extrême-gauche, Chirac allait gagner confortablement. Le principal inconvénient du « plébiscite » sera qu’aux législatives, la gauche plurielle tiendra le discours suivant : « vous avez voté Chirac avec une pince sur le nez ; gardez votre pince, mais votez pour nous dès le premier tour- faisons barrage à Chirac maintenant ». Or, ce qui était intéressant au premier tour, c’est que ce mécanisme n’avait pas marché. La dissidence s’était exprimée. Une abstention massive au deuxième tour aurait confirmé la profondeur de la crise du système. Au lieu de cela, on a pu entendre la social-démocratie et les intellos médiatiques répéter qu’ils étaient « fiers de la France ». En effet, les Français avaient obéi. Ceci dit, leur système est quand même dans une crise sérieuse : plus aucun leader ne suscite le moindre enthousiasme ; lorsque les gens votaient pour de Gaulle ou même pour Mitterrand, ils votaient pour eux. Ils adhéraient à leurs idées ou à leurs personnes. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne votent plus que contre : voter Chirac contre Le Pen, voter Gore contre Bush (et vice-versa), etc. Il n’y a plus d’illusions dans le personnel politique et cela est une opportunité énorme pour les anars (aussi, malheureusement pour les démagogues).

 

Il y a-t-il lieu de se réjouir du résultat? Pas vraiment, pour deux raisons : d’abord, la capacité de nuire de Le Pen est lié à son nombre de voix, et celui-ci reste intact. Les politiques sécuritaires vont s’aggraver, « pour détacher les électeurs de Le Pen », sans jamais y arriver bien sûr, ce qui permet de maintenir la pression. Ce n’est que le fantasme d’une prise du pouvoir par Le Pen (qui, grâce à la mobilisation, aurait été évitée) qui peut faire paraître le résultat comme positif.

 

Mais, ce qui est plus important, c’est de réfléchir aux moyens utilisés pour écraser Le Pen : celui-ci a très bien décrit la campagne comme étant « soviétique ». Tout le système médiatique, ainsi que toute l’intelligentsia, toute la « culture » (et, ce qui est le plus important, le Medef) se sont déchaînés contre lui (ce qui souligne encore la différence entre lui et Hitler). Il est difficile de mesurer la part respective de la mobilisation populaire et du déchaînement médiatique dans sa défaite, mais il ne faut pas se faire trop d’illusions. Ici, la « rue » et les médias étaient plus ou moins en phase ; il n’est pas du tout évident que la mobilisation aurait eu cette ampleur si cela avait été le contraire ; après tout, si les gens sont tellement opposés au « fascisme », pourquoi sont-ils si passifs face aux guerres et à la militarisation, qui sont les aspects de la société actuelle qui sont les plus proches du fascisme ? Martine Aubry est arrivée à dire, le soir des élections, qu’il fallait construire une Europe puissante qui « intervienne dans les conflits ». Franchement, quand je pense à ce que l’Europe a fait pendant 5 siècles, cela me glace plus le sang que les clowneries de Le Pen. Rien que pour prendre un événement récent, la présidence espagnole de l’Union Européenne a déclaré, lors du récent putsch au Venezuela qu’elle manifestait « sa confiance dans le gouvernement de transition en ce qui concerne le respect des valeurs et les institutions démocratiques, afin que la crise actuelle soit surmontée ». et cela trois heures avant que Monsieur Carmona, le chef des insurgés, ne prête serment pour sa nouvelle, et fugace, fonction. Avec leur empressement à « défendre la démocratie », les EU et l’UE sont arrivés à soutenir un des putschs les plus éphémères de l’histoire.

 

Pour revenir aux médias, il faut se souvenir qu’Hitler était impressionné par la propagande franco-anglaise pendant la première guerre mondiale (poussant les Etats-Unis à entrer en guerre) et a par conséquent créé sa propre machine de propagande, qui est un des aspects les plus terrifiants du fascisme. Mais l’industrie des médias aux EU s’est aussi développée en s’inspirant de ce modèle ; ses fondateurs voyaient d’ailleurs dans la « construction du consensus » grâce à des moyens « scientifiques » l’essence même de la démocratie, qui pour eux ne veut rien dire d’autre que la domination d’une élite à l’intérieur d’un cadre formellement démocratique, cadre qui permet d’assurer la stabilité du système mieux que ne le ferait une dictature. Ce système ne s’oppose pas à la démocratie formelle, mais la présuppose. Si tous les médias sont concentrés entre les mains de quelques groupes, et que les journalistes ont l’impression d’être libres, tout en intériorisant la censure, le système fonctionne bien mieux que si les agents d’une dictature utilisent une langue de bois qui reflète le plus souvent leur absence de conviction intime. Mais ce contrôle permanent des esprits, ce lavage de cerveau dans la liberté, qui permet de « mobiliser » la population un jour contre Le Pen, un autre jour contre les Talibans, Saddam Hussein, ou Milosevic, est le plus grand problème auquel nous devons faire face (et est aussi un des aspects par lesquels nos sociétés ressemblent au fascisme). Bien sûr, ils « mobiliseront » aussi contre nous si nous devenons un jour menaçants. Et comme la défaite de Le Pen est en grande partie une victoire du système médiatique, c’est aussi un peu notre défaite.

 

Ceci dit, tout n’est pas négatif dans la campagne entre les deux tours ; la mobilisation populaire, surtout de la jeunesse, est un grand espoir pour l’avenir. Mais il faut éviter de tomber dans le jeunisme. Si la jeunesse veut réellement faire avancer les choses, elle doit être prête à écouter et à discuter. On ne leur facilite pas cette tâche en les flattant et en rejetant certaines réflexions au motif qu’elles sont dépassées parce que la « jeunesse » en a décidé ainsi.

 

Finalement, le « groupe Bakounine » écrit : « Défendre la liberté dans la rue, c'est empêcher les racistes de prendre ouvertement la parole avec leur discours de haine... ». Cette phrase est pour le moins ambiguë. En effet, comment les en empêcher ? Par l’intimidation ? Au moyen de la censure étatique ? Autrement ? Ce n’est pas clair. Comme disent les Américains progressistes, la réponse aux discours de haine, c’est plus de discours, pas moins. Mais la gauche européenne a du mal à admettre cette façon d’aborder le problème ; on croit trop facilement que faire taire l’adversaire « par tous les moyens » (et sans le convaincre) est une victoire ; mais toute censure, toute intimidation est au mieux un expédient incertain et temporaire, au pire contre-productif ; de toutes façons, elles vont à l’encontre des valeurs sur lesquelles devraient se baser la société que nous voulons construire.

 

« Jean Bricmont