UNE NOUVELLE BROCHURE "GRAINE D'ANANAR"…

RAOUL VANEIGEM

Quand il y a de la place dans le cœur, il y en a dans la maison !

 


 

C'est un fait, bon nombre d'anarchistes, parce qu'ils ont de la mémoire, ont quelques a priori par rapport à Raoul Vaneigem.

 

 

Ils se souviennent, en effet, qu'il a été, pendant une bonne dizaine d'années, un des porte-drapeaux du situationnisme. Qu'en tant que tel, il a largement contribué à engoncer la problématique révolutionnaire dans les habits de plomb d'un conseillisme marxisant passablement archaïque. Que pour ce qui était de mettre deux balles dans la nuque à quiconque ne faisait soi-disant pas la maille de la cohérence, il n'avait pas son pareil. Que la morgue, le mépris, l'arrogance, la méchanceté, la haine et le désir de tuer ont fondé ses rapports à la confrontation avec ceux et celles qui n'étaient pas dans la ligne des fatwas de la course à la radicalité situationniste. Et que Après avoir contresigné, le 15 juin 1968, la circulaire "Aux membres de l'IS aux camarades qui se sont déclarés en accord avec nos thèses", laquelle appelait à l'action immédiate sur les bases les plus radicales de ce qui allait devenir, dans les deux ou trois jours suivants, le mouvement des occupa­tions... il s'en alla l'après-midi même prendre son train pour rejoindre le lieu de ses vacances en Méditerranée, arrêtées de longues date [1].

     Et ils trouvent dommage, qu'aujourd'hui, il soit aussi discret sur cette période de sa vie !

     Mais, personne n'est parfait, Raoul Vaneigem comme les anarchistes (et vice versa), et donc... Et donc, le problème n'est pas que là !

     Après tout, et c'est peut être l'essentiel, même si les situationnistes n'ont pas fait preuve (au sens ordinaire du terme) d'une grande pertinence politique, est-ce pour autant à dire que leur approche de la politique puisse se résumer à sa seule apparence d'impertinence ? Leurs analyses du capitalisme en termes de société du spectacle et de consommation ne sont-elles pas, trente ans plus tard, d'une actualité toujours aussi brûlante ?

 

 

Leur critique d'un progressisme tout de croissance économique, d'agenouillisme devant le progrès technique, de croyance en un égalitarisme quantitatif (ou en un quantitatif égalitariste) et de destruction (pillage des ressources dont chacun devrait savoir qu'elles ne sont pas illimitées) des conditions mêmes de la vie, a t-elle prit une ride ? Leur dénonciation de l'avant-gardisme et du révolutionnarisme aux motifs de leur absence de perspectives autres qu'exercer le pouvoir et gérer l'existant au moins mal, est-elle devenue obsolète ? Leur rage de conjuguer le changement du politique, de l'écono­mi­que et du social au temps chaotique, mais oh combien majeur, fondamen­tal et essentiel, de la vie quotidienne, n'a t-elle plus lieu d'être ? Bref, leur rêve d'autogestion généralisée, de citoyenneté avant l'heure, de pays sans frontières, sans flics, sans curés, sans militaires, sans psy, sans patrons, sans dieux, sans maîtres, sans Trotsky, sans Staline, sans Mao, sans Lénine, sans PSG, sans OM, sans..., n'est-il pas toujours notre rêve ?

     Ou, en d'autres termes, les situationnistes, qui n'existent plus (mais ont-ils jamais existé ?), ne nous auraient-ils pas posé un certain nombre de bonnes questions?

     À relire Raoul Vaneigem, on ne se pose plus la question.

     À relire Raoul Vaneigem situ comme à relire Raoul Vaneigem post-situ !

     Car, dans les deux cas, l'analyse et le discours sont à 95% les mêmes !

     Situ ou non, Raoul Vaneigem n'a pas bougé d'un poil en plusieurs décennies d'écrits.

     Du Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations à Déclaration des droits de l'être humain en passant par Avertissement aux écoliers et lycéens, non seulement le cœur y est toujours, mais il bat au même rythme de révoltes et d'exigences !

     Oh, bien sûr, le Raoul Vaneigem d'aujourd'hui, comme le Raoul Vaneigem d'hier, ne se revendique pas de l'anarchisme estampillé ou non !

     Et alors ? Où est le problème ?

    

     Cette petite collection, intitulée volontairement graine d'ananar, qui mêle sans vergogne images d'Épinal et tags détonants, l'affirme sans ambiguïté aucune.

     Raoul Vaneigem, à sa manière, suite à un courrier de l'auteur de cette brochure lui demandant s'il voyait un inconvénient à ce qu'on écrive un texte sur lui et qu'on le publie aux Éditions libertaires, le laisse à entendre en disant qu'il n'a jamais empêché quiconque d'écrire.

 

Et Grégory Lambrette, dans cette brochure, le démontre cent fois !

 

« Jean-Marc raynaud

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                 Jean-Marc Raynaud

Raoul Vaneigem, Grégory Lambrette, Éditions libertaires, 3 euros, 35 allée de l'Angle, Chaucre, 17190 St-Georges d'Oléron.

 

 

[1] La véritable scission dans l'internationale, circulaire publique de l'internationale situationniste, Paris 1972, éditions Champ Libre.