QUI OSE DIRE NON ?

 

P

ar quel attrait inavoué l’homme aspire-t-il à un guide juste, humain et soucieux du bonheur de tous, un être qui nous rallierait par son charisme au respect des autres? Un homme différent, quoi, mais qui veillerait aussi à nos propres intérêts, tel un Dieu le Père Tout Puissant capable de punir le contrevenant, le contestataire, l’opposant, le paumé, l’insolent, le paresseux, la racoleuse, le morveux qui sniffe, tous les mauvais élèves bientôt adéennement répertoriés? Un ministre de l’Intérieur de nos voisins, s’inspire de cette vision paradisiaque assurée aux hommes Libres de soucis d’argent. Créons des prisons, fermons les écoles. A un siècle de Victor Hugo qui osait dire le contraire! Le progrès, c’est les barbares, ceux qui écrivent l’histoire et en tirent le profit. Pourquoi sont-ils toujours les plus forts? Qu’à l’époque de l’absolutisme, on laissât aux manants leurs manies, c’est un fait. Mais que nos bons démocrates persistent à élire aux plus hauts rangs de l’état, les meilleurs filous et combinards qui soient, cela s’apparente à une association de malfaiteurs, que dis-je, une institution, car ils savent que les concessions, compromis, accords secrets se négocient autour de plantureuses gratifications... Mais peut-on le leur reprocher? Un politicien est avant tout un opportuniste sans quoi, discipline de parti oblige, ses services seraient déclinés. Ce constat fait, les convaincus trop rigides se découragent, d’autres prennent exemple et imitent; trop bêtes, les idéalistes se révoltent...

Et parmi eux, témoins des entourloupes des dirigeants, certains rêvent d’un meneur, orateur né qui débitera des promesses de changement, plectre des cordes sensibles des désabusés, qu’il s’appelle Adolf ou Jésus...  Les Amis des loges et les médias aux ordres auront beau faire pour défendre leurs poulains et protecteurs des pouvoirs établis, la dérive de la colère aveugle tancera hélas... l’étranger, maillon faible des accrocs de la nationalité et des déboutés sociaux, bouc émissaire des crises décidées par les comploteurs financiers, exutoire comparable aux cibles que prennent les adolescents confrontés au mal-être d’une société tentatrice.

L’homme veut croire à Dieu, il veut croire au chef, lui obéir! Il se croit bon et les autres, méchants. Nonobstant, il réfute sa nature de soumis, se dit libre et se veut médailler du mérite!

Que conclure de cette dérive psychologique sinon que le champ est libre pour qui a compris la nature humaine, qu’il soit roublard ou imposteur. Les rebouteux et les trucs « parallèles » ont un impact assuré. Il suffit d’y croire et leVlaams Blok leur est tout ouvert. L’espoir est la raison de vivre! Le fric aussi. Entre nous, les riches s’ennuient, faute d’espoir.

Il y a peu, Gyanendra qui, selon les mal-pensants, aurait assassiné sa famille, renvoyait ses ministres, annulait les élections, sans vergogne pour la Constitution népalaise. Cinq mille cinq cents armes automatiques lui seront livrées avant la fin de l ’année, contribution privilégiée à la germination d’une nouvelle démocratie. Mac Carthy ne mourra jamais, il est vrai. Quant à Milosevic, mais les médias sont peu diserts sur la faiblesse des témoignages de l’accusation, il sera condamné même si aucun fait n’est prouvé contre lui, c’est ce qu’annonçait le Journal du Mardi. En décidera ainsi l’impartiale présidente d’un tribunal à la solde de George Soros, thuriféraire du libéralisme à tout crin et de ses comparses américano-islamistes. En fait les Tchétchennes du théâtre, n’auraient-ils été que des figurants? Associons nos idées.

L’ignoble Saddam Hussein qui consacrait pourtant à la santé publique un budget plus élevé qu’à la Défense Nationale de son pays avant qu’il ne règle de façon inconvenante le non-respect des tarifs pétroliers par son partenaire koweitien, se serait fait plébisciter, dit-on, à l’aide du couteau de ses sbires placé sous la gorge de chaque citoyen. Il ne faut être ni maoïste ni s’opposer au gendarme de l’Ordre nouveau, avide d’or noir et de coudées franches. Quels monstres ces Yougos qui refusaient la discipline de la loi du marché et ces Irakiens qui ne veulent pas traiter avec les Maîtres du Monde pour leur accorder du pétrole!

Aux pays dits non alignés de dire leur mot dans cette guerre nécessaire contre ces infâmes Mésopotamiens! Comme on le fait dans les cercles privés de notre petit pays (à Liège, notamment) lors des adjudications des travaux publics, les indécis ou les objecteurs, par définition peu nombreux en raison du principe de soumission au groupe, seront conviés à réfléchir une heure ou deux dans des cagibits faiblement éclairés par une bougie, face à un crâne comme compagnon. L’alignement est à ce prix. La guerre humanitaire est celle où les bonnes consciences trouvent profit. Bientôt, elle s’inscrira dans l’objectif social des statuts des Nations Unies.

Pas de remarque? D’accord. Il faut croire que la grande majorité des humains est immature pour n’exister qu’en vertu d’un ordre établi (comme un ordre bancaire au bénéfice de...) et préservé par des pouvoirs vénérés à l’instar d’une mère conseillère, d’un père exigeant et sévère, pour se comporter en grands ou petits frères, filles gnan-gnan et idiotes, freluquets sans cervelle et jaloux du voisin et en « moi-je » de toutes sortes... Les gourous, tous cultes confondus, dans leurs temples, églises, synagogues, mosquées et même la Laïcité mieux que tolérante : condescendante, depuis son agrément de lèche-subsides à l’instar des autres, ont maintenu vivace l’endoctrinement paternaliste et autoritaire, tout en « réglant » sur le principe « à chacun sa donne », l’épanouissement de l’homme. Quand on est une institution! Mais les techniques de destruction qui jouent sur le yoyo des bourses, ont atteint le sommet des perfectionnements. Elles provoquent dans la conscience des gens sensés, l’effroi de l’Apprenti sorcier devant la catastrophe imminente et son impuissance à enrayer le mouvement enclenché. Qu’importe, l’Avoir des Bourses sera sauvé.  Sans batailles, sans massacres d’habitants, sans destruction de cités, il n’y aurait pas d’histoire, ni personne pour en bénéficier. « Pour vivre heureux, vivons cachés » nous a-t-on sagement conseillé. Mais dites-moi, où trouver la cachette? 

Peut-être dans le coin de Francorchamps qui n’emplira plus ses hôtels de plein air avec son tourisme fumeur. Quelle peste que ces gens! Nous aurons au moins retrouvé de l’air pur quelque part et pas loin. En plus, ce sera une nouvelle journée sans autos... Heureusement, la télévision transmettra toujours les grands prix d’ailleurs. Il faut être de son temps sans quoi seule nous restera la fierté de crier haut et fort : je m’agrippe comme le chêne, et je meurs. Le chêne est mort, vive l’écologie... Mais la F.N. survivra!

 

éGéger

 

Intégré,  intégriste ou intègre ?

 

Je ne veux plus ronchonner chez moi contre tous les maux du monde. J’ai décidé d’apprécier les merveilleux avantages de notre civilisation : vivent les U.S.A ! Là. Je suis intégré. Investir dans des placements avantageux : ma boîte à lettres regorge d’incitations alléchantes; jouir du nec plus ultra de la technologie moderne : la radio m’y invite tous les matins; vivre audacieusement : tous les modèles abondent sur la TV, dans les salles. Eussé-je eu ces informations plus tôt, j’étais millionnaire à trente ans, comme en Amérique. Le rêve! Oser, toujours oser. Oser mentir, fabriquer des preuves, les détruire avant de les avoir montrées. Facile : l’appui des faux témoins vendus d’avance, la couverture des spécialistes en exactions du style assurance tous risques, une notoriété construite sur un redoutable passé de filou toujours tiré d’affaire. Il faut faire confiance à ces gens sinon il vous en cuirait! A preuve, l’Islamiste ou le chef d’état alliés, subitement reniés, diabolisés. Cette fois, il ne faut pas les juger. Leur exécution sera sans appel, quoi qu’il coûte aux habitants du pays. Ce ne sera que du réchauffé. Corée, Vietnam, Irak, Afghanistan. Que de civils ont péri! Du napalm à l’uranium qui fait des générations de sans-membres dans le monde des mille et une nuits... Vivent les États-unis!

 

Je vais fréquenter les riches, fréquenter leurs clubs, y nouer des relations bénéfiques, me faire bien voir des ministres... Je veux être bien sous tous rapports. J’apprendrai le double langage pour contenir, s’il se doit, tant les benzodiazépines et les prozac de tous genres y pourvoient, les mouvements de l’opinion, cette galerie qui murmure, à peine audible, un "trop, c’est trop" pour se donner bonne conscience, ou décide de s’éclater au comptoir d’un café, bien tard, quand on ferme! Je n’irai pourtant pas jusqu’à blâmer, comme il est de bon ton aujourd’hui, le parents des enfants massacrés par ce fieffé imbécile qui s’est fait prendre malgré toute la bonne volonté des gendarmes. Quand le suicidera-t-on? se questionnent les inquiets, ces durs de la comprenure qui craignent encore de l’affaire. Apparemment on a fait fort à Bali pour obtenir la liste des complices de cette lavette de kamikaze, un terroriste accompli ! Ils ont peut-être, comme nous dans les centres fermés pour étrangers illégaux, des méthodes non soumises aux lois du pays. Les tortures et les assassinats perpétrés dans les no-man’s land sont forcément autorisés : les sans-papiers, de toute façon, ça n’existe pas. Un de plus ou un de moins, qu’est-ce, Monsieur le ministre de l’Intérieur? C’est d’une transparente clarté.

 

S’intégrer, Monsieur Ducarme, c’est imiter, imiter la langue, imiter les manières. Mais, rassurez-vous, je n’ai garde, I say yes, je suis un U.S.A.-like, très comme il faut dans ce pays de singes. Bientôt, je toucherai le fruit de quelques économies. Il m’est déjà demandé de réinvestir mon épargne d’assurance-vie. "Dans l’armement", me conseille un infaillible spécialiste. D’ailleurs, ce banquier est disposé à me prêter les yeux fermés si j’y consens. Un tel placement, c’est sûr. "Ah, je ne vous promets pas la fortune de Bush junior. Prescott, son grand-père, eut l’audace et la bienséance d’occuper les Juifs d’Auschwitz dans ses mines de Silésie, gratos. Il en fut bien récompensé. Tout vaut mieux que l’oisiveté. Allez encore trouver des gens qui travaillent gratis! Mais, si vous vous fichez du sort des sud-américains, des Noirs ou des Asiatiques, placez. Bingo à coup sûr. La vie, c’est comme ça." On s’intègre ou on ne s’intègre pas!... Grâce à la pilule, j’ai perdu tous les enfants que j’aurais pu faire. Je ne le regrette pas. Les pauvres, ils ne seront pas intéressés par mon héritage. Moi non plus! Et ils ne se disputeront ni avant ni après ma désintégration...

 

éGéger