Manif

à

 Vottem

par Simplette

 

 

Dimanche 16 mars, dans l’après-midi, nous étions 1500 à nous rassembler à la citadelle pour manifester contre les centres fermés, et de là, nous nous sommes rendus au centre fermé de Vottem tout proche. 

 

A la tête de la manif, il y avait des étrangers sans papiers ou demandeurs d’asile, avec le CRACPE et les autres collectifs de défense des sans-papiers.  Quelqu’un me dit qu’il était dangereux pour les sans-papiers de venir à cette manif.  Ensuite venaient les anars de Liège, Bruxelles et Flandre, assez nombreux.  Ensuite le POS, Militant, RAGE, JCC, le PTB et je crois que j’en passe.  Tous formaient la première moitié du cortège, tandis que l’autre moitié était composée de citoyens plutôt que de groupes politiques, rassemblés autour d’ATTAC, du centre laïc, de la communauté juive et de cathos. 

 

Sur le trajet, peu avant d’arriver a centre fermé, toute une chorale issue des « citoyens » s’est postée à un endroit surélevé et s’est mise à chanter un morceau composé pour la circonstance : « trois ans déjà… »  Les paroles ont été distribuées au début de la manif, la mélodie est facile : tout le monde s’y met. 

 

A l’arrivée, ATTAC, les laïcs et les groupes religieux commencent une sorte de messe sur la pelouse qui se trouve à 100 m du centre fermé, mais la plupart de ceux des groupes politiques continuent le chemin qui s’arrête net devant les deux portes du centre fermé.  Parce que prier c’est bien, c’est même sensé engendrer des transmissions de pensées et de sentiments ; mais on veut quand même voir, entendre, sentir communiquer vraiment et aussi toiser les obstacles.  Aussi sommes-nous bientôt tout un groupe à sonner aux portes, grimper pour regarder à l’intérieur, frapper, crier, secouer les portes dans un beau vacarme pendant que les détenus agitent des draps et des tissus aux petites ouvertures de leurs fenêtres blindées, en criant : « liberté ! »  et « pouvoir, assassin ! »

 

Soudain, quelques individu affublés de foulards surgissent de nulle part, scient les vis d’une des grandes plaques métalliques qui recouvre les portes, et l’enlèvent, si bien que les détenus et nous pouvons nous voir à travers les barreaux de la porte, sans plus avoir besoin de l’escalader.  Entre eux et nous, il y a encore : les barreaux de la porte, un grillage métallique, un autre grillage métallique d’une hauteur de cinq mètres, et les vitres blindées des cellules des détenus. 

 

 

Mais déjà, en guise de réponse, une masse de robocobs surgissent au coin de la rue avec une autopompe, s’approchent et s’arrêtent à une centaine de mètres.  Sur l’autre plaque de la porte, les enfoulardés ont dessiné quelques A cerclés.  A présent, ils s’affairent à déterrer des pavés, lorsqu’arrive toute la chorale issue de la messe œcuménique.  Piétinant la plaque métallique, la chorale prend place devant l’ouverture et chante pour les détenus.  On chante ainsi trois quart d’heure.  Pendant ce temps, cherchant un petit coin, je tombe sur une rangée de cinq flics en civil qui se reconnaissent à leur façon d’interrompre leur conversation quand j’approche.  L’un d’eux était en train de dire : « J’ai trouvé un GSM… »  Moi, je ne trouverai jamais mon petit coin, y’a trop de flics en civil partout. 

 

Après trois quarts d’heures de chants, le responsable du CRACPE vient nous conseiller de nous en aller, ce que nous faisons.

 

Sur le chemin du retour, une dame de la chorale me dit qu’à l’autre manif contre les centres fermés, trois ans plus tôt, après la mort de Sémira Adamu et alors que le centre fermé de Vottem était encore construction,  elle avait été blessée pour avoir voulu s’interposer entre les flics et les manifestants.  D’abord elle s’était pris une pierre de la part de ceux aux foulards, et immédiatement après, elle s’est faite balayer par la lance de ceux en bleu.  Mais cette fois, elle et ses collègues avaient été assez nombreux et nombreuses à s’interposer, pour atteindre leur but : éviter la violence inutile. 

 

Elle me parle en cherchant mon avis d’anar, parce qu’elle ne comprend pas très bien ce que j’ai à voir avec les lanceurs de pierres.  Mais comme personne n’a d’avis anar et que cela fait partie du concept même d’anarchie, je lui dis le mien : il existe dans la présente affaire une violence si légitime que s’en abstenir est un défaut: c’est celle qui vise à la libération des détenus, maintenant, sans autre forme de négociation ou « d’humanisation » et au nom de la légitime résistance aux atteintes contre les droits humains.  Là, elle et moi nous tombons bien d’accord.  Du coup, vu de ce point d’intersection entre deux publics différents, j’ai l’impression que les anars sont le moteur du mouvement et les autres la direction et le frein.  Il faut bien concéder que ce bulldozer-là n’avance pas fort bien.  Mais qu’il avance, et du côté des blue blocks, on l’appellera terroriste.

 

Dès le début, cette petite manif était très fliquée, comme si nous étions plus nombreux et plus dangereux qu’en réalité.  Que font tous ces flics en civil ou non ?  Cherchent-ils des GSM ?  Des renseignements ?  Connaître l’identité de toute la partie de la Belgique qui fréquente le mouvement, pour être capable, au besoin, de remplir d’autres centres fermés comme en Argentine 76?  La police d'un Etat moderne doit-elle en être capable à tout moment? 

 

Tout ce qu’on peut dire, c’est que la manif s’est déroulée sans violence.  Les flics ont arrêté quelques personnes, un peu au hasard comme d’habitude, avant de les relâcher sans tarder.  Ils ne semblent pas avoir trouvé les déboulonneurs de portes.

 

Photos Indymédia