"Anarchisme et croyance"

Les habitants de la terre se divisent en deux :
ceux qui ont un cerveau et pas de religion
et ceux qui ont une religion mais pas de cerveau.
Aboul-Ala AL-MAARI, Syrie (Maara), XIème siècle


Il existe un véritable camaïeu de définitions de l'anarchisme qui se distinguent – ou se singularisent – les unes des autres dans la nuance mais qui s'organise toutes autour d'un même corpus de principe et de valeurs comme, par exemple,… l'anti-autoritarisme.

C'est cet anti-autoritarisme qui, en effet, scellent l'unité des anarchistes d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et de là-bas et qui, en réaction aux méthodes maffieuses et au projet autoritariste des communistes d'obédience marxistes, a, notamment mais, bien entendu, il y a d'autres motifs idéologiques, philosophiques, politiques…, amené certains révolutionnaires de la seconde moitié du XIXème siècle à théoriser un communisme anti-autoritaire - l'anarchie - ainsi qu'une action politique, une praxis révolutionnaire, une méthodologie de lutte, un comportement social et culturel, une éthique, une relation à l'autre… - l'anarchisme –, à se qualifier d'anarchistes ou communistes anti-autoritaires ou libertaires (d'où, assez rapidement, le raccourci de libertaires comme synonyme d'anarchistes) et, enfin mais la liste n'est pas clause pour autant, à claquer au vent un morceau de chiffon noir pour en faire le drapeau de la révolte, de la rébellion, de la révolution et donc de l'anarchisme dans l'attente du jour où il n'y aura plus de drapeau, pas même noir.

Et c'est parce que l'anti-autoritarisme est le fondement de l'anarchisme – celui de l'anarchie étant… l'absence d'autorité – que les anarchistes du XIXème siècle ont fait leur cette devise "Ni dieu, ni maître" inventée, rappelons-le, par Louis Auguste Blanqui qui, bien que socialiste révolutionnaire, ne fut jamais… anarchiste dés lors que toute sa conception du s'organise autour de… l'Etat populaire, autrement dit de… l'autorité du peuple qui n'est pas sans évoquer la… dictature du prolétariat de Karl Marx et de ses histrions (Lénine, Trotski, Staline, Mao…).

"Ni dieu, ni maître"… quelle concision saisissante pour définir l'anarchisme et l'anarchie et les ériger au rang d'…humanisme achevé ! Ainsi, en même temps, rien d'humain ne peut indifférer un anarchiste et rien ne peut, au nom d'une quelconque autorité, révélée, déléguée, usurpée, instituée…, être au-dessus de l'humain et, plus précisément, des humains, de TOUS les humains.

Rien, pas même l'Homme cette idée ab-straite dont d'aucuns voudraient faire un porte-(bonne)-parole ou un faire-(pré)valoir pour légitimer une tyrannie particulière - celle des tables sacrées, de la Loi, de l'intérêt général, de la majorité… - qui pèserait de toute son immatérialité sur… les humains.

Rien, pas même cette autre abstraction – l'Etat – dont d'aucuns voudraient faire accroire qu'il est au service de tou(te)s alors que, en raison même de son essence il est au service de quelques un(s) contre tou(te)s les autres et que, bien que d'émanation humaine, il devient souvent une sorte de monstre, de créature… déchaînée, de robocop… débridé, de machine folle, de moloch, de raison sans cœur, de… fin en et pour soi qui, pour vivre, a besoin de se nourrir de… chair humaine, celle des esclaves, bien sûr, mais aussi celle des prêtres et des gardiens qui, en devenant bourreaux, cessent d'être… humains.

Rien, pas même dieu, qu'il soit unique (même à forme de singulier/pluriel ou de pluriel… singulier !) ou multiple…, qu'il soit la créature ou le créateur des humains… dans la mesure où il ne peut y avoir d'humaine liberté quand la liberté première et unique – à commencer par celle de tyranniser, de tuer, de faire souffrir… - est a-, in- ou anti-humaine parce que… divine.

"Ni dieu, ni maître", point barre : aucune autorité (au sens de relation de pouvoir, de domination, d'oppression, de répression, d'exploitation…) à respecter, à vénérer, à craindre, à tolérer… parce qu'il n'y a d'humain que dans la plénitude de l'humanité de chacun(e) et que l'achèvement de l'humanité de l'un(e) implique nécessairement l'achèvement de l'humanité de tou(te)s les autres. Autrement dit, il n'y a d'humanité possible que sans dieu, sans maître ; il n'y a d'humanité que dans la liberté, l'égalité et la fraternité de tous les humains : SANS LA MOINDRE EXCEPTION.

"Ni dieu, ni maître" et pourtant… des anarchistes se disent croyant(e)s en bêlant leur croyance – qu'elle soit religieuse, politique, diététique, vestimentaire, culinaire, culturelle… - tandis que des croyan(e)s bêlent un anarchisme de bon aloi qui est celui de la contestation d'un ordre, religieux et/ou politique, qui ne reconnaît pas leur croyance comme religion… établie.

Or, comment pouvoir se dire anarchiste et adhérer à une croyance quand la croyance est toujours cette forme particulière de penser, celle du troupeau , qui consiste à (se) reconnaître un… maître, en l'occurrence… dieu auquel il faut obéir, se soumettre en renonçant à sa… liberté ? Une autorité qui, bien que se revendiquant universelle et prônant l'universalisme de son culte, divise les humains en bons – les moutons – et en méchants – les loups -, condamne les premiers à ne pas vivre réellement, puisque la vraie vie est… ailleurs, et les seconds à ne pas pouvoir vivre leur liberté en les proscrivant, les censurant, les enfermant, les torturant, les suppliciant… et, au besoin, en… les tant.

Dire "ni dieu, ni maître", c'est poser l'humanité sous la forme d'une identité remarquable, celle de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

Un(e) croyant(e) ne peut être libre puisque la soumission à un maître, même inventé, au sens d'imaginé, de rêvé, de… déliré et donc… d'irréel, est le renoncement à sa propre liberté et, par conséquent, à son humanité. En dehors de la liberté, point d'anarchie. Dans l'anarchie, point de place pour un maître ou un dieu sauf à vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes, l'illusion – pour ne pas dire l'illusoire – pour le réel, la carte pour le territoire, le matricule pour l'individu, le paraître pour le réel, l'utile pour l'inutile, la folie pour la raison…

Les croyant(e)s ne sont pas égaux entre eux-elles puisque, même s'ils-elles appartiennent au même troupeau et ont le même maître, ils-elles ont des colliers plus ou moins serrés, des laisses plus ou moins longues, des pacages plus ou moins étendus… et que, pour reprendre l'image ô combien révélatrice de l'univers concentrationnaire, certain(e)s sont des kapos quand d'autres ne sont que des… numéros et celle d'une cour certain(e)s sont des (petits) marquis quand d'autres sont des ducs ou des princes et que d'autres encore sont des fous-folles (du roi), des laquais, des valets, des chambellans… Inégaux-ales entre eux-elles les croyant(e)s ont tout de même le mérite d'être supérieur(e)s aux non-croyant(e)s ou aux croyant(e)s autrement et peuvent, à l'occasion, avec, naturellement, la bénédiction de leur saigneur et maître, s'arroger le droit de mort sur des humains qu'à vrai dire ils ne reconnaissent pas pour humains, étant toutefois précisé que dans leur bouche le non-humain est le non-… troupeau. Dés lors, comment un(e) anarchiste peut-il-elle se dire croyant(e) – quand bien même son dieu serait… anarchiste, voire l'anarchie et son église… l'anarchisme – si, ipso facto, il-elle ne se reconnaît pas comme l'égal(e) du-de la… non-croyant(e), de l'incroyant(e) et, a fortiori, du-de la mécréant(e) ?

Les croyan(e)s se disent frères-sœurs les un(e)s des autres mais, outre qu'elle n'est pas universelle puisqu'elle est exclusive d'autres et qu'elle peut être… retirée (cf. l'excommunication, non exclusivement religieuse, faut-il le rappeler) , leur fraternité a ceci de particulier qu'elle se déduit de l'appartenance à un même troupeau et de la soumission en résultant à un même dieu – ou tout autre colifichet de même usage - ; elle n'est donc pas essencielle en ce sens qu'elle n'est pas la reconnaissance de l'autre pour ce qu'il-elle est – un être humain dans son identité, particulière et unique, et dans ses différences – et, en cela, elle est l'antinomie même de… l'humanisme.

Par ailleurs, l'anarchisme est de cœur mais aussi de raison ; en cela, il ne peut se satisfaire d'aucune superstition, d'aucune révélation, d'aucun fatalisme, d'aucune prédestination, d'aucun mensonge… et, à l'instar des sciences, chaque jour, il soumet sa théorie, ses hypothèses, ses analyses… au doute systématique du questionnement, à la rigueur méthodique de la vérification, de la démonstration… Or, croire c'est tenir quelque chose (ce chose pouvant être une personne physique, une entité, un phénomène…) pour vrai, l'admettre pour réel, certain, inéluctable, universel… et… incritiquable. Croire c'est se situer délibérément en dehors du champ de la raison – et, notamment, des sciences -, de l'Histoire, de la libre pensée… ; c'est adhérer (appartenir) à une vérité révélée non démontrable – et donc vérifiable – et refuser l'idée même d'en discuter, de l'interroger, d'en douter… C'est, à l'instar de ces oisons qui prenaient Konrad Lorenz pour leur mère, admettre – croire - que la lampe de couvaison ou l'aviculteur-trice est bien la mère des oisillons, autrement dit le dieu du troupeau des oiseaux domestiques !

Certain(e)s considèrent que l'anarchisme est une… spiritualité au motif qu'il est la forme achevée de l'humanisme. Si, par spiritualité, on considère que les anarchistes ne sont pas, bien au contraire, démuni(e)s d'esprit au sens de faculté de – et d'aptitude à – penser, c'est enfoncer une porte ouverte puisque l'une des caractéristiques de l'humain est justement d'être un… être pensant ! Si on entend humour, il n'y a toujours pas de problème car pourquoi les anarchistes seraient privé(e)s de cette autre faculté humaine, celle de rire et de faire rire ? & Mais si le terme de spiritualité est pris au sens de "ce qui est dégagé de toute matérialité" et que ce dégagement n'est jamais qu'une… désincarnation, c'est-à-dire une dés-humanisation de l'humain, alors nous ne sommes plus en anarchie mais en religion et nous n'avons pas à faire à des anars spirituel(le)s mais à des croyant(e)s, des humains libres mais à un troupeau !

Certain(e)s anarchistes voulant faire dans l'exégèse biblique, parce que, sans doute, leur pensée – au sens d'acte de penser – a besoin d'un maître – un tuteur – pour… se tenir debout ou qu'ils-elles veulent asseoir leur autorité sur une vérité révélée, considérant Bakounine comme un dieu ou, à tout le moins, un pape ou un messie , se plaisent à pontifier urbi et orbi en lançant des… bulles du genre :

 "Bakounine, dans sa jeunesse était croyant" voulant faire… croire que Bakounine était anarchiste et croyant et qu'il n'y a donc pas d'incompatibilité, pour eux-elles, d'être croyant(e) et anarchiste mais oubliant que Bakounine est devenu athée en même temps qu'anarchiste et que, en tant qu'anarchiste il a écrit (et sans cesse répété) : "Je suis un amant fanatique de la liberté, la considérant comme l’unique milieu au seins duquel puissent se développer et grandir l’intelligence, la dignité et le bonheur des êtres humains ; non de cette liberté toute formelle, octroyée, mesurée et réglementée par l’état, mensonge éternel qui en réalité ne représente jamais rien que le privilège de quelques-uns fondé sur l’esclavage de tout le monde ; non de cette liberté individualiste, égoïste mesquine et fictive prôné par l’école de J.J. Rousseau ainsi que par toutes les autres école du libéralisme bourgeois et qui considère le soit disant droit de tout le monde, représenté par l’état comme la limite du droit de chacun, ce qui aboutit nécessairement et toujours à le réduction du droit de chacun à zéro (….) j’entends cette liberté de chacun qui loin de s’arrêter comme devant une borne devant la liberté d’autrui, y trouve au contraire sa confirmation et son extension a l’infini ; (….) la liberté triomphant de la force brutale, et du principe d’autorité qui ne fut jamais que l’expression idéale de cette force ; la liberté qui après avoir renversé toutes les idoles célestes et terrestres fondera et organisera un monde nouveau, celui de l’humanisme solidaire, sur les ruines de toutes les églises et de tous les états" et : "Cette immodération, cette désobéissance, cette révolte de l’esprit humain contre toute limite imposée soit au nom du Bon Dieu, soit au nom de la science, constituent son honneur, le secret de sa puissance et de sa liberté. C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n’ont jamais avancé d’un seul pas" ;

ou bien

 "Bakounine a dit :"Et si dieu existait vraiment, il faudrait s'en débarrasser", ce qui démontre 1) que dieu… existe au motif que sa non-existence n'est pas établie ou que, du moins, son existence est… possible ; 2) la révolution anarchiste devra tuer dieu en même temps qu'elle abattra l'Etat" faisant ainsi dans une autre imposture puisque Bakounine n'affirme pas – a, a fortiori, ne démontre pas – l'existence de dieu mais, le développement de sa pensée ne permet pas le moindre doute à ce sujet, considère que dieu , en tant qu'invention humaine, peut être un obstacle à l'achèvement de l'humanité – l'anarchie – et que, dans ce cas, il conviendra de le supprimer non par la force, comme on supprime un ennemi en le tuant, mais par l'éducation, la propagande par l'action et, in fine, l'instauration de l'anarchie.

"Ni dieu, ni maître"… Anarchisme et croyance sont strictement incompatibles et, si les croyances ont pour vocation de faire prospérer les troupeaux, celle de l'anarchisme est nécessairement d'émanciper et de libérer les humains, tous les humains et, de ce fait, de rappeler avec persévérance aux encollierisé(e)s qu'ils ne sont pas des animaux destinés à brouter et ruminer dans l'attente d'être conduits au marché pour y être vendu(e)s ou à l'abattoir, mais des humains et que, à ce titre, debout, eux-elles aussi n'ont… ni dieu, ni maître.
JC
LE COMMENTAIRE DE MAÏ

Je crois que le peuple n'a été que très rarement abreuvé. Peut-être, lors du déluge, il a eu de l'eau jusqu'à plus soif. Mais quand il s'agit (pour les Anars) de proclamer, de démontrer rationnellement que souvent, les breuvages spirituels qu'on fait ingurgiter reposent sur des mythes,( de nature irrationnelle, par définition) il n'y a jamais saturation.

Donc il faut continuer d'utiliser l'autocollant "ni dieu , ni maître" et surtout ne pas le dénaturer en "ni chef religieux, ni maître". Ce désir de dénaturation, d' adoucissement, laisse supposer que son promoteur y croit, lui, à dieu, à allah, à boudha, à quetzocoalt, au serpent à plumes et à apis.

Qu'est-ce qu'un chef religieux, sinon, une personne, (mâle en général sauf la papesse Jeanne), qui se réfère continuellement à un dieu ou des dieux qui ont été inventés de toute pièce; pour y trouver sa légitimité de pouvoir et spirituel et temporel. Dieu est l'invention des hommes, les plus cervelés au départ, les plus avisés et les plus dominateurs ensuite.

Mais cette "invention" des dieux était inéluctable.

La puissance de la nature, son éternel pouvoir de renouvellement et l'irrationnalité de ses soubresauts et cataclysmes ont inspiré , il y a des milliers d'années, des peurs, des terreurs, toujours ancrées dans le fond des humains. La mort, elle-même, bien qu'elle fût parfois désirée par certaines peuplades provoque un étonnement, un sentiment d'injustice. Les Indiens , dans les combats inégaux avec les Yankees, désiraient partir dans les vertes prairies où ils trouveraient des buffalos et des squaws, tout rêve était mieux que la réalité. Chez bon nombre de croyants, la nécessité de l'espoir de RE-trouver un paradis explique que des auteurs d'écriture saintes ont cru bon devoir inventer un "paradis perdu" par sa faute originelle. En même temps, ils ont inventé le diable et les ...diablesses. La fiction dépasse la réalité.

L'homme, de par ses facultés mentales, tente d'expliquer tous les faits de la nature, il cherche des lois, une loi universelle et intemporelle, régissant le système naturel. Il trouve des lois, mais imparfaites. La lois de la mécanique célestes sont remplacées par des lois de mécanique quantique. Mais il reste l'inexplicabled'aujourd'hui. Il est aisé de le remplacer par dieu tout puissant. Un dieu à l'image de l'homme, représenté comme un homme barbu, colérique, dont on peut et doit s'attendre à tout. On s'adresse à lui, comme à un homme, le suppliant de guérir un malade, le rejetant ou le remerciant selon que les événements tounent bien ou mal.

Certains, chefs religieux, qu'on appelle prêtres, druides, chamans, gourous deviennent alors les courroies de transmission entre les humains du bas et les dieux du haut. Ces chefs religieux profitent, effectivement, au maximum, de la crédulité .

Enlevons de nos esprits cette notion de dieux et les chefs religieux disparaîtront.

Le slogan doit rester "ni dieu ni maître";

 

L'auteur de l'article demande aussi si anarchisme et spiritualité sont compatibles?

En compulsant mon "petit Robert", j'ai noté que la spiritualité est ce qui procède de l'esprit. Je ne vois pas pourquoi l'on pourrait parler de spiritualité obscurantiste., et de caste qui serait détentrice de la spiritualité. Non seulement la spiritualité et l'anarchie peuvent cohabiter, mais ces deux concepts vont de pair. Un anarchiste pense, recherche, analyse. Toutes les possibilités de son esprit tendent à trouver des explications et des solutions pour améliorer la condition humaine.

La première pensée doit quand-même rester : comment éradiquer du monde et dieu et ses chefs et ses lois. C'est une nécessité implicant un immense labeur d'éducation. L'éducation par l'utisation absolue de sa propre liberté, totale et dénuée de tout mythe, de sa solidarité.

Maï

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ET LE HUITIEME JOUR, DIEU CREA UN MUSEE

Un musée en cours de réalisation scandalise la communauté scientifique américaine. Situé près du fleuve Ohio dans le Kentucky, le musée de la Création - qui devrait ouvrir en 2004 - a pour objectif de démontrer aux enfants des écoles que Dieu a créé le monde en sept jours et que Darwin était un imposteur. Ses bailleurs de fonds ont injecté 14 millions de dollars (15,3 millions d'euros dans le projet qu'ils considèrent comme un antidote au “lavage de cerveau” auquel se livrent les musées scientifiques du monde entier.

On pourra y voir une reconstitution du jardin d'Eden et de l'arche deNoé, ainsi qu'une double hélice géante d'ADN - censée expliquer que les créatures vivantes sont tellement complexes qu'elles ne peuvent avoir évolué par des mutations dues au hasard. Y figurent également de vrais fossiles visant à illustrer le manque de fiabilité de méthodes scientifiques comme la datation au carbone 14, et des dinosaures grandeur nature - qui auraient vécu aux côtés d'Adam et d'Eve avant la chute, à une époque où animaux, hommes et dinosaures cohabitaient en parfaite harmonie. L'organisation Answers in Genesis est à l'origine du projet. Pour son président, Ken Ham, il est temps de lancer une offensive contre l'establishment scientifique. “C'est une guerre culturelle. Il faut qu'ils sachent que nous arrivons. Nous ne faisons pas ça pour dire: 'Voilà les preuves pour ou contre, À vous de décider.' Nous admettons notre partialité. La Bible n'est pas un ouvrage scientifique, mais quand elle touche à la science, nous pouvons lui faire confiance, c'est la vérité.”

Le musée de la Création comprendra un hall d'exposition de 5445 mètres carrés sur un terrain de 23 hectares. Certaines pièces ont déjà été achetées comme les structures en double hélice d'ADN, les reproductions de dinosaures et une réplique de cellule humaine dans laquelle on pourra circuler. Answers in Genesis publie un magazine chrétien, une revue technique consacrée à la science de la création” et des opuscules sur l'origine des races distribués partout dans le monde. Elle diffuse également une émission de radio transmise quotidiennement sur 400 stations aux Etats-Unis.

Selon une enquête parue récemment dans le magazine Scientific American, 45 % des Américains croient que Dieu a créé la vie il y a environ 10 000 ans. L'immense majorité des scientifiques considèrent qu'elle est apparue sous sa forme la plus simple il y a 3,9 milliards d'années et qu'elle a continuellement évolué.

Depuis quelques années, les fondamentalistes chrétiens sont accusés de placer leurs partisans dans les commissions de l'éducation des conseils municipaux des petites villes pour obtenir un accroissement du temps consacré à l'enseignement du créationnisme dans les écoles. Il y a deux ans, il a fallu une révolte publique et le limogeage de plusieurs de ses membres pour que la commission de l'éducation du Kansas annule une décision interdisant toute référence à Darwin dans les écoles.

Oliver Poole,

The Sunday Telegraph, Londres
 
 
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SUR LA QUESTION DE L'EMPLOI DU MOT HUMANISME CHEZ LES ATHEES

I - Il est clair que l'humanisme a d'abord été une réaction contre le surnaturel et le culte des dieux. L'Antiquité gréco-latine reste la référence avec des formules telles que “L'homme est la mesure de toutes choses” (Protagoras) ou “Rien de ce qui est humain ne m'est étranger” (Térence).
On peut en gros déceler la même tendance avec l”'humanisme' renaissant d'Erasme ou de Rabelais: il faut substituer les hommes tels qu'ils sont et animés par un projet rationnel de vie aux représentations religieuses usées (essentiellement catholiques romaines).

L'humanisme est vu comme la critique et la réfutation de tout renoncement au profit des déités.


II - Mais à l'échelle planétaire si l'expression “humanisme athée” semble souhaitable et cohérente, ne serait-ce que pour s'accorder avec l'usage langagier des nords-américains ou de scandinaves et de quelques autres, elle pose néanmoins un problème que l'on n'évitera pas.
En effet, dans les mêmes régions qui ont vu naître les humanismes anciens (des sceptiques, sophistes, épicuriens ou stoïciens), s'est développée une mystique judéo-chrétienne dont le coeur est le dogme de l'incarnation: “Dieu s'est fait homme”. Le christianisme est la seule grande religion qui 'ose” prétendre sauver l'homme et conclure un compromis avec la “transcendance” divine (ce n'est pas du tout, par exemple, le cas de l'islam; l'attitude bouddhiste est encore différente, souvent présentée comme de compassion cosmique).

Un athéisme uniquement préoccupé de batailler contre l'aliénation de l'humain au profit du divin risque d'être tourné et récupéré par un christianisme se posant comme le meilleur champion de l'homme: on remarquera que les soubresauts internes de la chrétienté (évangélismes, schismes) n'évacuent pas la question au contraire et ne vont pas dans le sens de la libération religieuse. C'est dans le christianisme “réformé” des protestantismes qu'on trouve la prétention la plus absolue à revendiquer “l'homme-dieu”, titre d'un livre de Lue Ferry, qui constitue un excellent résumé de la démarche.

Seuls Marx et surtout Max Stimer (dans “L'unique et sa propriété”) ont dénoncé la pseudo libération opérée d'abord par Feuerbach. Il ne sert en effet à rien de décrocher “dieu” de la voûte céleste étoilée si c'est pour l'inscrire au cœur de l'homme. On assiste même à une aggravation du phénomène religieux par son intériorisation.

La tâche des athées ne se limite pas à inviter les hommes à renoncer à leur renoncement et leurs agenouillements devant des idoles, mais à veiller aussi à ce que l'homme ne se prenne pas lui-même pour un “dieu”. Le dernier dieu à détruire est sans doute contenu dans les défauts et les prétentions humaines, trop humaines (ici continuité de Stimer à Nietzsche).

En France et en Europe il faut être d'autant plus vigilant qu'on a pu voir des humanismes “chrétiens”: une particularité francophone fut le rejet essentiellement par Sartre de tout “humanisme” illustrant soit une grande mollesse de la pensée républicaine (Jean Guéhenno), soit une manœuvre des prétentions conservatrices contre son oeuvre et son action (“l'existentialisme chrétien” de Gabriel Marcel).


III - Ne pas abandonner l'humanisme ni quoi que ce soit à nos adversaires, d'accord, mais en prenant la précaution de le revendiquer dans un sens uniquement négatif (“dieu” mis à la porte risquant toujours de se faufiler par les fenêtres des bons sentiments, cf “l'humanItaire” !). Se méfier des mots en “... isme” :Il faut défendre les hommes, y compris contre eux-mêmes, sans humanisme de même qu'il faut soutenir la rationalité scientifique (méthode expérimentale et connaissance approchée) sans tomber dans le “scientisme'.

Claude Champon et Tribune des Athées 30/5/2002